L’École des Savoirs Partagés : Apprendre, c’est s’émanciper

« Qui a eu cette idée folle un jour d'inventer l'école ? C'est ce sacré Charlemagne... » Il ne suffit que d’une phrase pour que ces paroles, chantées par France Gall en 1964, résonnent à tue-tête dans nos esprits et nous replongent derrière le pupitre de notre enfance, entre une jolie trousse couleur jaune d’œuf et l’odeur de cahiers neufs. Or, si l’école évoque souvent une douce nostalgie, elle peut aussi raviver des souvenirs de frustration, d’incompréhension, où descendante était l’éducation. Face à ce constat, le paysage éducatif voit fleurir, depuis quelques décennies des approches alternatives s’inspirant de diverses pédagogies. Parmi elles, la pédagogie Freinet trace un chemin singulier, et c’est sur cette approche que l’École des Savoirs Partagés a décidé de s’appuyer.

L’École des Savoirs Partagés est une école alternative associative qui ouvrira prochainement à Lyon, en septembre. Pour l’occasion, je me suis entretenue avec Marie Grangier, membre de l’équipe pédagogique, afin de comprendre la naissance du projet et ses promesses. Le projet a vu le jour il y a deux ans, lorsqu’un petit groupe d’amis et collègues issus du secteur pédagogique s’est avoué avoir fait le même constat. Évoluant dans le domaine de l’éducation populaire et de l’accompagnement pédagogique, Marie, Robin et Louise ont constaté qu’une grande majorité d’enfants ne s’épanouissait pas dans le système éducatif classique. Éprouvant eux-mêmes une forme de frustration dans leur pratique professionnelle, c’est au cours de nombreuses conversations et brainstormings en fusion que l’idée a émergé : construire une école élémentaire associative, du CP au CM2, qui place  l’émancipation des enfants au centre de son activité.

L’émancipation au cœur de l’éducation

Avec pour volonté de bousculer les codes du système éducatif afin de le rendre plus inclusif, les trois amis ont décidé de s’inspirer de la pédagogie Freinet.

En s’appuyant sur cette pédagogie, l’école associative a pour objectif de permettre aux enfants de réellement s’émanciper. Marie Grangier explique : « Ce qui est important, c'est avant tout de rendre les enfants capables, de leur donner les clés pour développer leur confiance en soi, leur pouvoir d'agir, d’oser aller fouiller un sujet, de poser des questions (…) de se sentir légitimes de mener ces recherches, en leur donnant les ressources pour qu’ils puissent travailler en autonomie. ». Par conséquent, l’apprentissage ne se veut pas ici descendant (de l’adulte vers l’enfant), mais relève plutôt d’un échange horizontal, où l’enfant a toute sa place dans la construction des activités proposées. Bien que les notions fondamentales requises par l'Éducation nationale soient largement respectées, l'École des Savoirs Partagés ne suit pas de programme pédagogique prédéfini. Le collectif prime avant tout.

« Faire le maximum de choses en collectif permet aux enfants d’être totalement acteurs de leurs apprentissages, de leurs décisions, et d’apprendre dès le plus jeune âge la notion de vivre ensemble. » Marie Grangier, membre de l’équipe pédagogique

Cette approche donne à l’école le rôle d’une micro-société, où enfants et adultes peuvent s’exprimer librement et contribuer ensemble à un projet commun. L’école souhaite ainsi instaurer régulièrement des Conseils d’enfants : des temps d’échange entre adultes et enfants pour réfléchir collectivement et prendre ensemble des décisions sur des sujets qui concernent tout le monde. Pour cela, les enfants seront formés à la régulation de conflits et à la médiation, afin qu’ils puissent résoudre plus facilement les conflits et n’aient pas systématiquement besoin d’un adulte.

Des journées repensées, pour ne pas aimer que la récré

Outre l’émancipation, l’École des Savoirs Partagés s’engage à proposer un programme personnalisé, adapté au rythme de chacun. Pour cela, à bas les notes ! On laisse place à des plans de travail individualisés, qui permettent de suivre l’évolution de l’élève à travers le temps. De nombreux supports d’apprentissage seront mis à disposition : fiches ressources, livres… « Les enfants pourront librement faire leurs recherches et accomplir de petits objectifs chaque semaine (…) travailler à leur rythme. », souligne Marie Grangier. Les enfants seront également accompagnés par les adultes pour des explications complémentaires, afin de favoriser une bonne compréhension.

« L'idée, c'est aussi que les enfants puissent comprendre leurs ressentis, afin que le travail émotionnel soit aussi présent dans la notation (…) pourquoi ils ont aimé ou non ce sujet, etc. » Marie Grangier, membre de l’équipe pédagogique

En plus de proposer une nouvelle approche de l’évaluation, l’école associative souhaite valoriser de nouveaux terrains d’apprentissage en repensant les journées. Les matinées seront consacrées aux matières du tronc commun, telles que les mathématiques et le français, afin de favoriser la concentration. Puis, en après-midi, les élèves pourront se consacrer à des moments d'apprentissage collectifs, sous forme d'ateliers, où seront abordées des matières comme l'histoire, la géographie, les activités sportives, ainsi que des activités culturelles : écriture du journal de l'école, pièce de théâtre, ou encore visites en extérieur. Cette flexibilité dans l’apprentissage permet alors aussi d’aborder des sujets de société en profondeur, tels que la justice sociale ou encore l’écologie, qui pourront être traités de manière ludique.

Une école alternative, mais surtout associative !

Parce qu’au-delà d’une pédagogie bien réfléchie, l’accessibilité était une priorité, l’École des Savoirs Partagés se veut associative. En effet, l’école a le statut d’association et propose des frais d’inscription progressifs afin de favoriser la mixité sociale. Les frais s’échelonnent alors de 1500 € à 8500 €. De plus, les parents pourront se tenir au courant en toute transparence de l'évolution des décisions prises à l'école au fur et à mesure de l'année lors de chaque Conseils d'administration.

Charlotte Marchand.